mardi, mai 05, 2015

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Dans une étendue désertique 











d’herbe brûlée se dresse un petit mamelon aux pentes douces dans lequel Winnie est enterrée, d’abord jusqu’au-dessus de la taille. Winnie se souvient qu’en la voyant, un passant s’était demandé :

À quoi ça rime ? ... 
fourrée jusqu’aux nénés dans le pissenlit... 
ça signifie quoi ? 

Cela rime 
avec la vie de tout être humain. 



Cela signifie le courage dont la personne humaine peut se montrer capable. Winnie est pleinement vivante, c’est-à-dire qu’elle endure stoïquement tout ce que vivre implique. Elle est l’incarnation même du courage qu’exige l’inéluctable déroulement de la vie, jour après jour “ à perte de passé et d’avenir ”. Envers et contre toutes les souffrances et les indignités du délabrement, il émane de Winnie une inébranlable volonté de dignité humaine : “ Tiens-toi, Winnie ”, se dit-elle, “ advienne que pourra, tiens-toi. ”

Certes, elle aurait tout lieu de sombrer dans des “ bouillons de mélancolie ”, mais elle s’y refuse farouchement. Puisque vivre c’est continuer encore, autant perdurer “ d’un cœur léger ”, dignité oblige. Elle s’est ainsi forgé l’art inépuisable de trouver dans la moindre babiole, dans l’événement le plus minime, une source de pétulant intérêt et de vif plaisir : “ Ça que je trouve si merveilleux ” ne cessera-t-elle de s’exclamer. L’apparente frivolité de son discours est, comme l’humour, la chatoyante politesse du désespoir. 

Oh le beau jour encore que ça aura été...
Encore un... 
Après tout.

L’humour de Samuel Beckett ne verse jamais dans l’amère dérision. Oh les beaux jours est une œuvre infiniment tonique, puissante, tout à la fois drolatique et profondément bouleversante. 


Edith Fournier

































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Iris

elle coupe le souffle


















ils se courbent sur les végétaux

émotionés



la terre pâle coupée de sillons

les arbres fruitiers blancs


un chardonneret 



le moi est une limitation


dans l'ordre du jour

arrivent par moments

des bruits faibles et longs




Tout à l'heure je viens d'entendre
Dehors résonner doucement
Un air monotone et si tendre
Qu'il bruit en moi vaguement




de l'infini dans l'infini
d'où les récréations































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Le mot archange




A la porte de mon rêve 









j’ai trouvé un être sortant de la brume où m’enfonçais, un corps brun, élancé et musclé, une petite tête aux cheveux souples, le mot splendeur, la certitude que l’avais rencontré, plusieurs fois, au fil de mon passé. Mais il était campé sur des bottes souples et tailladées, torse moulé sous un plastron de cuir, des lanières dansant sur ses cuisses et un grand bras levant, prête à s’abattre, une gigantesque épée. M’a bloquée sur ma rive, âme tremblante, le mot archange traversant comme un éclair cruel le je qui était là. Ai reculé, pendant qu’il se dessinait avec autorité, sortait du flou, illuminé mystérieusement de l’intérieur. Reculais, m’éloignais, voyais une galerie émerger, l’enclore, s’étendre, et des masses autres, des surfaces colorées, se succéder au long des murs de marbre qui arrivaient. L’éclair était passé, la lumière s’étendait, me suis approchée, l’ai touché ; cela ressemblait à du bois, du bois ciré dont les veines polies s’enroulaient sur ses jambes, traversaient son visage presque enfantin. Suis passée à côté de lui, le mur de la galerie s’est évanoui. Je les ai oubliés, j’avançais vers le rêve.


Brigitte Celerier
rêves rapatriés



























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Terry Evans





Prairie Images of Ground and Sky





























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