lundi, juin 16, 2014

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c'est l'esprit familier du lieu

il juge
il inspire
il préside



de la nature
absinthe centaurée serpolet ou 
menthe en épi

petit et grand Boucage cerfeuil penché ou 
musqué

prends celle que tu veux
et légèrement entre tes doigts


et main  tenant
de quelles essence subtiles

est formée l'image ?


j'en fus embaumé
pour l'avoir respiré une fois

rien qu'une




L.A. Insta- boucage  le Chornais
juin 2014















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Les Trolles















10.06.2014

il nous frôle et souffle
elle fuie et vole

noter sur le moment
après ce n'est plus la même chose

des nuages bas le matin

1-





12.06.2014

opéra fabuleux
tendre et faible

ce qui est 
tendre et faible accompagne la vie

thermique modéré
au début de l'après-midi

1-2



14.06.2014

jeunes mères et grandes sœurs
aux regards pleins de pèlerinages

la voie du ciel n'a pas de favoritisme
elle est toujours avec l'homme de bien

beau temps 
ensoleillé et chaud sur les versants nord

1-2-3





16.04.2014

on suit la route rouge
pour arriver à l'auberge vide

plus on va loin
moins on connaît

vent d'Est faible en altitude

1-2-3-5




16.04.2016

ô journées enfantes !
le corps un trésor à prodiguer

la tendresse et la faiblesse
sont supérieures

nuages de foehn
débordant par le sud. 

1-2-3-5-8



L.A Insta-Trolles le Cuvy juin 2014








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penser = découvrir une altitude


le désir de monter et la joie de descendre

de mon coeur mis à nu




voyageur            être sur la voie

le voyage de 
mille lieues commence par un pas


diffère aussi les intervalles

les directions
les combinaisons
les poids
les remords
les chocs
les rencontres
les mouvements




Aimer

la terre de l'ensemble des mers
et la terre du ciel tout entier







sentier 31

l'espérance ne sera jamais démentie

un échec relance la course

prenez le sentier 
et marchez sud sud-est en pure perte

singulière fortune où le but se déplace







l'homme peut-être un héros dans la peine

il n'est divin que dans la joie

Kleist Penthésilée traduit par Julien Gracq
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L.A.Inta-chemin 
forestier du Cuvy juin 2014
















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Ce livre est 
un journal en vers

apparemment tenu 
tous les jours d’une année

entre le 
1er janvier et le 31 décembre




Chaque partie rapportée 
à un hypothétique quotidien n’est composée 

que de prélèvements effectués 
dans différents textes lus par Benoît Casas 

et écrits à la date où ils ont été réutilisés ici 
entrant étrangement en résonance avec la vie de l’auteur

ce qui donne lieu à un ouvrage 
aussi intime qu’impersonnel puisque l’autobiographie 

ne s’y expose 
qu’à travers les mots des autres.






tiens-toi à ton livre 
savoir ce qu’il donnera 
quand il aura été 
tout à fait mangé







L'ordre du jour
de Benoît Casas par Tristan Hordé

ici




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Bruno Fern





Tout d’abord, ce principe d’écriture constitue indéniablement une performance textuelle, inédite à ma connaissance. Cela étant, il va bien au-delà de cette prouesse – et veut d’ailleurs y aller : « tiens-toi à ton livre / savoir ce qu’il donnera / quand il aura été / tout à fait mangé. » D’une part, il affirme de manière radicale qu’on ne saurait écrire ex nihilo mais qu’au contraire il s’agit toujours de partir peu ou prou de la masse où nous sommes dits pour en tirer du nouveau, i.e. du singulier. D’autre part, il implique à la fois une appropriation (ingérer ce que la lecture a offert comme matériaux les plus divers) et une distanciation vis-à-vis de l’expérience subjectivement vécue. Ces deux axes croisés sont évoqués tout au long du livre qui commente ses propres procédures. Ainsi le premier apparaît dans le rappel fréquent de cette intertextualité poussée à l’extrême (« richesse d’une œuvre : / quantité de passé qu’elle contient »), où les écrits des autres viennent confirmer que si tout a été dit il reste sans cesse à le revivifier (« peut-on être l’ami / d’un mort ? / trouver un format »). Quant au second axe, il participe également à une conception plurielle du moi qui échappe à une identité tellement affirmée qu’elle serait close sur elle-même et finirait par en crever – ce dont, encore aujourd’hui, les exemples ne manquent pas, hélas, entre replis nationalistes et / ou religieux de tous poils. Benoît Casas revient à plusieurs reprises sur cette multiplicité : « si je est un autre / cela ne fait pas beaucoup » ; « une expérience à la limite / de la dépersonnalisation » ; « tout ce qui m’attache au monde / ne tisse pas une identité / mais une existence » – et en apporte donc la preuve en acte.

Du coup, le livre brasse de tout – réflexions philosophiques, politiques (où la préoccupation d’un communisme possible est récurrente) et littéraires, évocations des êtres aimés, voyages (avec une prédilection pour l’Italie), notations de la vie quotidienne, etc. – mais dans un ordre qui fait se juxtaposer des mots renvoyant à des réalités parfois très différentes, d’où collisions et échos (« j’écris pendant une heure seulement / et puis je rentre précipitamment / avec l’impression / que je ne peux pas astreindre / mon cerveau à ce travail / une minute de plus. / de grosses tranches / de bœuf saignant. / le soleil couchant illuminait / le ciel de sa clarté jaune pâle ») pour mieux contrer le réel, c’est-à-dire « ce qu’on retrouve / à la même place », et essayer d’aller ainsi vers ce que l’auteur désigne sous le nom de vérité, au moins la sienne : « le vrai dérange il fait peur. / j’écrirai en dépit de tout / à tout prix. / manière de me battre / me maintenir en vie ».

Car l’enjeu réside finalement là puisque si les jours sont ici comptés en blocs qui ne dissocient pas lire, vivre et écrire, c’est aussi pour tenter de faire face à sa mort et à celle des autres : « il faut que soient passées / quatre saisons / pour que l’on commence / à s’habituer à une mort ». Et, pour cela, c’est l’écriture qui doit entrer en jeu (« découper coller / jeu d’enfant ») grâce à une dynamique à la fois sensuelle (« il faut lire voracement. / caresse profonde. » ou bien « le grand objet de l’existence : / la sensation ») et offensive (« une authentique mise à feu / devant les choses. »), histoire de remettre en mouvement ce qui pourrait paraître inerte – d’où l’insistance sur la nécessité de la vitesse et de la précision que cherchent à créer la coupe des vers [1] (« la phrase nerveuse. / démarche spasmodique. / métrique hors du type général. ») et les effets dus aux rapprochements effectués par le montage des fragments : « affronter des choses des situations / des décisions qui te sont étrangères / et tirer de ce heurt et de cet effort / un accroissement de tes capacités ». Tout en sachant que ce travail-là ne permet pas d’atteindre une quelconque essence (pas le moindre Être à l’horizon du poème) mais d’approcher une plus grande intensité du vivant : « le vrai n’est pas un savoir. / le difficile est de fixer l’état / de le maintenir / de le prolonger » et qu’en définitive « seul compte / l’ordre des mots ».



Bruno Fern





[1] Prose coupée qui n’est pas sans rappeler celle de Jean-Christophe Bailly :
« un petit filet de mots. : comme des copeaux / qui tombent d’un / rabot. » 
(cf. vers la fin deBasse continue).









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