vendredi, novembre 04, 2011

Hemionitis
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L.A.Photographie,
 via di Città Sienne, octobre 2011
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Il y a un message au lieu d'un lézard sous chaque pierre.




avec Malcom de Chazal et André Breton
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notes éclats fragments et pulvérisations


moisissures de surface

sucs
salive
levures

vapeurs rosées de brèves gelées

saveur souillure

chair
liqueur
pommade

purée entre larve et insecte

forme précise
calcaire
silice

matière flottante et menacée


sève présage attente

turbulente et spasmodique
une humidité sophistiquée

vertèbres articulées
adaptées
usinées

dans le moindre détail
transfuges apprivoisés

sursis
asile
malédiction de croître

alchimie opiniâtre
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à l'est il n'y avait que le brise-lames


pulvérisation

un liquide en bruine
un solide en poudre

réduire une matière en particules très fines

se réduire en particules infimes



un brise-lames est un appareil de pulvérisation
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Sous la Sainte- Conversation
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Pourquoi Fra Angelico a-t-il peint ces vastes pans  sous la Sainte-Conversation de San Marco? Pourquoi a-t-il peint ce mur en rouge et l'a-t-il couvert du mouchetures blanches, erratiques, jetées en pluie comme une déflagration, à la manière d'un peintre abstrait d'aujourd'hui, en contraste avec la chaux blanche des murs du couvent? L'histoire de l'art  au sens traditionnel (les thèmes, les motifs) échoue à rendre compte de l'étrangeté  de ce qui s'y joue :

 
- sous l'angle iconographique, le plus facile, c'est un simple cadre ornemental, un panneau de faux marbre en trompe-l'oeil.

- une présence : dans le corridor du couvent, c'est un espace proche du regard, frontal, qui ne suppose ni point de vue, ni construction illusionniste. Cette présence perturbe l'économie ordinaire de la représentation. C'est la présence du Christ, disséminée partout, en vestiges.

- sous l'angle liturgique, le pan est à la Sainte-Conversation ce que l'autel est à un retable. L'autel est le lieu de l'intercession, l'endroit le plus sacré de l'église, qui focalise regards et contacts. Il est, lui aussi, une pierre, un pan.

- sous l'angle religieux, les taches blanches évoquent les gouttes du lait de la Vierge sur la paroi de la grotte de la Nativité ou l'enveloppe blanche de la Mise en tombeau. La projection du pigment se compare à une onction. La figure travaille à la conversion du chrétien.

- sous l'angle mystique, le marbre tacheté est une vision divine. C'est une Ecriture sainte, une pierre glorieuse, et aussi le regard de Dieu, qui observe le dévôt.

- ces images ont une efficacité. Elles intercèdent, elles en appellent à la mémoire, elles invitent à la contemplation, elles suscitent l'acte de la prière. C'est une injonction, un avertissement.

Des temps hétérogènes, anachroniques, se font image. Une pensée mystique du Vème siècle (Celle du pseudo-Denis l'Aréopagite) survit dix siècles plus tard (XVème siècle), sous un tableau qui met en scène une perspective moderne, albertienne.

Se montre aussi la dimension d' hétérogénéité  qui se trouve dans toute peinture et qui a fini par envahir, à l'époque contemporaine, une grande partie de l'art de peindre.







Georges Didi-Huberman
Fra Angelico, dissemblance et figuration
Champs arts.