mardi, novembre 15, 2011

Certains discours présentent la langue comme un tout organisé, autour duquel se développent des enjeux politiques. Il faut la parler correctement (stéréotypes et formes littéraires), respecter les codes établis (lexique, sémantique, rhétorique), la défendre, la promouvoir, l'exalter comme langue maternelle la sauver d'un danger, et surtout il faut construire autour d'elle une communauté  à laquelle les locuteurs devront s'identifier.

Dans Le monolinguisme de l'autre , Jacques Derrida déconstruit ce discours. On ne peut jamais s'assimiler à la langue car elle n'est pas une possession naturelle, mais une loi reçue d'un autre. Répéter cette loi sans aucune autre promesse est un déni de la parole. Une langue enlisée dans la quotidienneté, usée, affadie, dégradée, ignore la part d'aliénation irréductible dont elle est porteuse et que les discours sur l'identité culturelle tentent de masquer.

Mais si la langue n'est plus un support d'identification, que peut-on en attendre?

Comment en parler et comment parler?

Il ne s'agit pas de la remplacer par une imaginaire langue de l'autre ni de fabriquer une nouvelle langue. Pour déjouer les pièges du monolinguisme et les illusions de l'appropriation, c'est vers une forme de traduction  qu'il faut se tourner : dérégler et déformer la monolangue, la transformer en langue de personne, l'investir de corps étrangers (greffes et anomalies), contrarier la loi en elle, en un mot la dés approprier. C'est ce que Jacques Derrida appelle écriture. Cette écriture-là n'est pas celle de l'écrivain qui prend en charge le génie de son peuple, mais exactement l'inverse. C'est celle de ceux qui ont foi dans la langue . Pour ceux-là, la promesse ne délivre aucun contenu, elle n'est porteuse d'aucun salut. Leur pensée ne prétend à l'universel qu'en se retirant  devant le langage. L' autre langue  ne s'invente que par les passages et les traductions.

Des événements arrivent à la langue. Qu'ils passent par des poètes  comme Paul Celan, par des philosophes (Nietzsche ou Derrida lui-même), des écrivains (Artaud) ou par l'idiome de n'importe qui, ils promettent à la langue une désappropriation, un renouvellement.
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source texte Idexa

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