mardi, mai 11, 2010

Oui,
méditer,
c'est une belle chose
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L.A. photographie, le Vaz, mai 2010
Etty Hillesum (1914 / 1943 ) est entrée sur la scène française il y a plus de vingt ans, avec Une vie boulversée et les lettres de Westerbork. Ces fragments de journal et de correspondance ont suffi à rendre inoubliable la figure de cette jeune femme juive d'Amsterdam, morte à Auschwitz à l'âge de vingt-neuf ans. Voici enfin l'intégralité de ses écrits, dont une centaine de lettres
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Ce volume donne une image riche, nuancée et authentique d'une jeune femme d'exception : non pas une sainte étrangère au monde, mais une personnalité audacieuse et libertine, amoureuse de la vie, qui tente de dompter des dons intellectuels et artistiques dont le foisonnement anarchique l'entrave. C'est aussi un merveilleux journal intime, la chronique minutieuse et inlassable d'une passion, avec ses moments exaltants et ses crises de jalousie, et en contrepoint des tentatives toujours recommencées pour reconquérir un peu de distance et de sérénité.
En outre, ce qu'on n'a jamais dit, Etty Hillesum a beaucoup d'humour et un vrai talent satirique, qui éclate dans le tableau qu'elle brosse de son entourage, même dans les heures les plus tragiques.
Enfin, cette oeuvre nous confronte au mystère d'un cheminement spirituel qui est un refuge sans être un rejet du monde et des hommes, qui semble au contraire être un acquiescement, parfois même un émerveillement, et ce au pire moment de notre histoire
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OPUS / SEUIL
Pawana, un cri synonyme de mort pour les baleines
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Page 48
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J'erre sur la plage, dans le vent doux de l'hiver, j'entends pleurer les tubes des roseaux, et le sifflement dans les ossements et les branches des anciennes huttes. Je frissonne, parce que c'est comme la voix d'Araceli, son souffle qui chante près de la rivière invisible.
Le siècle nouveaux commence, plus rien ne sera comme avant. Le monde ne retournera plus à son origine. La lagune n'est plus le lieu où la vie pouvait naître. Elle est devenue un lac mortel, le lac lourd et âcre du sang répandu. J'erre sur les plages, au milieu des ruines des huttes. Je suis peut-être devenu pareil au vieux John Nattick de mon enfance, qui pouvait rester devant l'eau grise de la lagune, au milieu des carcasses des bateaux inutiles, qu'il ne voyait plus. Est-ce qu'un enfant viendra un jour écouter la plainte des branches et des os ?