Camil Tulcan
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Lionel André / promenades / randonnées / arts / littératures / air du temps
mardi, janvier 19, 2010
L'amour du royaume
...sans vous donner le nom de l'auteur, désormais il va être intéressant de tirer des livres, sans dire de qui il s'agit, des formulations. Et cela en les faisant surgir sur une scène où on imaginera que dans la salle se trouvent des gens de tous les âges et des contemporains, prêts à huer toutes les propositions positives qui ont été émises au cours des temps. L'ambition est de montrer que, dans l'accomplissement du nihilisme où nous sommes, toute proposition formellement positive déclenche des ricanements, des murmures, des protestations. Ce qui a l'avantage, selon moi, de montrer où en est l'état d'esprit de la souveraineté de la Technique s'exprimant à son stade terminal à travers des têtes humaines qui réagissent de façon embarrassée, aigre, voire violente, devant toute propositions de beauté, de jouissance et de vérité.
°Ph.Sollers, réponses à des questions de J.Henric
source, discours parfait, Gallimard, P.720
Le " gros animal "
L' homme est un animal social, et le social est le mal. Nous ne pouvons rien à cela, et il nous est interdit d'accepter cela sous peine de perdre notre âme. Dès lors la vie ne peut-être que déchirement. Ce monde est inhabitable. C'est pourquoi il faut fuir dans l'autre. Mais la porte est fermée. Combien il faut frapper avant qu'elle s'ouvre. Pour entrer vraiment, pour ne pas rester sur le seuil, il faut cesser d'être un être social
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CREDO
Lettre de Pierre Guglielmina à Philippe Sollers
source L'infin N° 84, automne 2003, P. 49
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Cher Philippe Sollers
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Le jour de la mort de Maurice Blanchot, je reçois, envoyé de New York par une amie allemande, ce petit texte de 1941 (inédit en France) de Jack Kerouac. Comme rien de ce qui m'arrive n'est le fruit du hasard, ces temps-ci, je me demande si c'est afin de m'apprendre que les derniers mots de Blanchot ont été pour Kerouac ou bien de me transmettre la prière de Kerouac pour la paix de l'âme de Blanchot. Le " credo " en question, hélas, n'est guère blanchotien. Je vous le traduis. C'est mon hommage à ...Blanchot
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Bien amicalement
Pierre Guglielmina
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Difficile, n'est pas douloureux, que ça jaillit de toi
Avec aisance, que tu peux balancer une petite histoire à toute
Vitesse, que lorsque tu le fais ouvertement, lorsque
Tu veux imprimer une vérité, ce n'est pas difficile,
Pas douloureux, mais facile, plein de grâce, saturé d'une douce
Puissance, comme si tu étais un clavier doté d'un stock
De littérature illimité, énorme, infini
Et riche. Parce que c'est vrai ; parce que c'est ainsi. Ne l'oublie pas
Dans tes moments plus sombres. Fais chauffer ton truc,
Touche juste, à l'américaine, tu te fous des critiques, tu te
Fous des thèses universitaires mortelles des professeurs, ils ne
Savent pas de quoi ils parlent, ils sont à
Côté de la plaque, ils sont froids ; tu es chaud, tu es
Bouillant, tu peux écrire à longueur de journée, tu sais ce que
Tu sais ; souviens-toi de ça, Petit, et quand
Tu as l'impression de ne plus pouvoir écrire, que ça ne sert
Plus à rien, que la vie ne vaut rien, relis ça et
Comprends que tu peux faire beaucoup de bien dans ce
Monde en révélant des vérités de ce genre, en répandant
La chaleur, en essayant de prêcher la vie pour le bien de la vie,
Pas à la façon des intellectuels, mais à la façon chaude, à la façon
De l'amour, à la façon qui dit : Mes frères, je vous accueille à
Bras ouverts, j'accepte vos faiblesses, je vous offre
Les miennes, accordons-nous et jouons toute la gamme
De la riche existence humaine. Souviens-toi , Petit ; l'aisance, la
Grâce, la gloire, la grandeur de ton art ; souviens -toi
De ça, n'oublie jamais. Souviens-toi de la passion. N'oublie pas,
N'abandonne pas, ne néglige pas. C'est là,
L'ordre et le dessein ; le chaos est là, mais pas en
Toi, pas au plus profond de ton coeur, pas de chaos,
Seulement l'aisance, la grâce, la beauté, l'amour, la grandeur...Petit,
Tu peux balancer une petite histoire, une petite vérité, tu peux
Balayer le plancher avec une petite histoire à toute vitesse ; c'est
Du gâteau, tu es un flot de douce puissance froufroutante,
Tu es un écrivain, et tu peux révéler quelques trucs bien
Méchants, et tu vas en révéler des tonnes, parce que
C'est toi, et ne l'oublie pas, Petit, ne l'oublie pas ;
S'il te plaît, s'il te plaît, Petit, ne t'oublie pas ; sauve-le,
Sauve-le, préserve-toi ; révèle toutes
Ces sales petites histoires méchantes par douzaines, c'est facile,
C'est la grâce, c'est à l'américaine, c'est la touche juste,
Vends la vérité, car elle a besoin d'être vendue. Souviens-toi, Petit,
De ce que je te dis cette nuit ; ne l'oublie jamais, lis-le
Sans cesse dans tes moments plus sombres et jamais, jamais
N'oublie... jamais, jamais, jamais n'oublie... S'il te plaît,
S'il te plaît, Petit, s'il te plaît...
Jack Kerouac