mercredi, juin 23, 2010

Avec le voyageur du temps

Il y a un temps menteur organisé, il y a un temps vrai. Le temps vrai est gratuit, comme un bloc d'or au fond d'un bourbier. Qu'êtes-vous venu faire dans cette galère soumise au flot des générations ? Pourquoi manger sans fin du cadavre ? Qui veut vous terroriser, et dans quel intérêt ? Vous titubez, avouez-le, dans l'angoisse, les ennuis, le brouillard, l'erreur, l'oubli. Vous n'osez même plus dire de vous-même : " Je pense, donc je suis. " Les jours passent, petits plaisirs, chagrins, deuils, brèves éclaircies, bavardages, soucis. Pas une seule présence ne vous aide
.
Soudain, tout se passe comme si vous vous entendiez avec une force de lumière : vous êtes rassemblé, solitaire, célibataire, unifié. Vous entrez dans un royaume toujours présent, toujours actuel, dedans enveloppant dehors, dehors enveloppé par dedans, invisible dans la pensée de l'invisible, vous êtes un vivant issu du vivant, un sauveur qui se sauve lui-même. Vous avez été empoisonné par vos Parasites, vous guérissez :
" L'univers est la pharmacie où les corps lumineux guérissent. " Ce monde est un hôpital de fous, une noria, une roue qui veut vous entraîner loin du paradis de lumière. Le plus souvent, vous sombrez dans l'inconscience, l'ignorance, l'ivresse, la mort, personne, en principe, n'échappe à cette aimantation noire. C'est la " grande guerre " entre clarté et obscurité
.
Heureusement, vous avez vos livres.
Philippe Sollers, Les Voyageurs du Temps, Gallimard P. 144/145
L.A. photographie, horloge City Of London, juin 2010

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