samedi, mars 27, 2010

Haïku...

Il ressemble à rien et à tout
:
lisible, nous le croyons simple, proche, connu, savoureux, délicat, " poétique ", en un mot offert à tout un jeu de prédicats rassurants ; insignifiants néanmoins, il nous résiste, perd finalement les adjectifs qu'un moment plus tôt on lui décernait et entre dans cette suspension du sens, qui nous est la chose la plus étrange puisqu'elle rend impossible l'exercice le plus courant de notre parole, qui est le contraire. Que dire de ceci
:
Brise printanière
Le batelier mâche sa pipette
.
ou de ceci
:
Pleine lune
Et sur les nattes
L'ombre d'un pin
.
ou de ceci
:
Dans la maison du pêcheur,
L'odeur du poisson séché
Et la chaleur
.
Ou encore ( mais non pas enfin, car les exemples seraient innombrables ) de ceci
:
Le vent d'hiver souffle.
Les yeux des chats
Clignotent
.
Roland Barthes, l'empire des signes

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