samedi, janvier 09, 2010

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pour Fayçal


je sais

tu sais tu sais et tu vois  

ici la terre s'est plissée dans le haut s'est plissée une fois et deux fois et trois fois et s'est ouverte au milieu et au milieu il y a de l'eau  et l'eau est verte et le vert est blanc et le blanc vient de plus haut encore vient des glaciers cela on pourrait oui on ne doit pas le dire c'est la parole là d'une langue en usage ici le vert avec le blanc dedans une langue pas pour toi et pas pour moi  car je le demande pour qui donc est-elle conçue la terre ce n'est pas pour toi dis-je qu'elle est conçue et pas pour moi une langue de toujours sans Je et sans toi rien que lui rien que ça comprends-tu elle simplement et c'est tout

je comprends oui je comprends

je suis venu de loin oui je suis venu comme toi

je sais









 



Traduit par John E.Jackson et André Du Bouchet
ce texte a paru pour la première fois dans
l'Ephémère n°14, été 1970
Dessins de Pierre Tal Coat

L.A. photographies les Saisies janvier 2010








entretien dans la montagne de paul celan 

est une marche de deux voix dans le pays de l’absence deux êtres se rencontrent sans se rejoindre tout à fait ils parlent dans un espace déchiré par l’histoire et la mémoire c’est un dialogue brisé entre le je et l’autre entre celui qui a survécu et celui qui ne revient pas le texte s’élève comme une montagne de mots où chaque pas devient question chaque silence une réponse le poème ne cherche pas à raconter mais à témoigner de ce qui ne peut plus être dit

la montagne n’est pas un lieu géographique mais un seuil spirituel une ascension vers le langage lui-même c’est là que se joue la possibilité de parler après la catastrophe la parole devient matière fragile pierre et souffle mêlés une tentative de réconciliation impossible entre la mémoire juive et le monde allemand entre la mort et la persistance du vivant

dans ce poème la langue de celan se fait dense coupante presque minérale elle ne décrit pas elle creuse elle cherche l’origine des mots dans la cendre la syntaxe s’interrompt comme haletante le rythme suit le pas du marcheur dans la montagne l’entretien devient acte de survie parler c’est continuer à respirer

ainsi ce texte est une méditation sur la parole après l’effondrement sur la difficulté de dire l’indicible sur la fidélité au silence même il ouvre une voie éthique et métaphysique où la poésie n’est plus ornement mais responsabilité une manière de rester humain dans l’abîme
















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