dimanche, mars 08, 2009

il chemine vers l'autre

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Le poème est tendu vers un autre, éprouve la nécessité d'un autre, une nécessité du vis-à-vis. Il le débusque sans trêve, s'articule allant à lui. Toute chose, tout être, comme il chemine vers l'autre, sera figure, pour le poème, de cet autre.



Paul Celan
Le Méridien
Fata Morgana


























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1 commentaire:

  1. L'heure approche. Espérez. Rallumez l'âme éteinte!
    Aimez-vous! aimez-vous, car c'est la chaleur sainte,
    C'est le feu du vrai jour.
    Le sombre univers, froid, glacé, pesant, réclame
    La sublimation de l'être par la flamme,
    De l'homme par l'amour!

    Déjà, dans l'océan d'ombre que Dieu domine,
    L'archipel ténébreux des bagnes s'illumine;
    Dieu, c'est le grand aimant;
    Et les globes, ouvrant leur sinistre prunelle,
    Vers les immensités de l'aurore éternelle
    Se tournent lentement!

    Oh! comme vont chanter toutes les harmonies,
    Comme rayonneront dans les sphères bénies
    Les faces de clarté,
    Comme les firmaments se fondront en délires,
    Comme tressailleront toutes les grandes lyres
    De la sérénité,

    Quand, du monstre matière ouvrant toutes les serres,
    Faisant évanouir en splendeurs les misères,
    Changeant l'absinthe en miel,
    Inondant de beauté la nuit diminuée,
    Ainsi que le soleil tire à lui la nuée
    Et l'emplit d'arcs-en-ciel,

    Dieu, de son regard fixe attirant les ténèbres,
    Voyant vers lui, du fond des cloaques funèbres
    Où le mal le pria,
    Monter l'énormité, bégayant des louanges,
    Fera rentrer, parmi les univers archanges,
    L'univers paria!

    On verra palpiter les fanges éclairées,
    Et briller les laideurs les plus désespérées
    Au faîte le plus haut,
    L'araignée éclatante au seuil des bleus pilastres,
    Luire, et se redresser, portant des épis d'astres,
    La paille du cachot!

    La clarté montera dans tout comme une sève;
    On verra rayonner au front du boeuf qui rêve
    Le céleste croissant;
    Le charnier chantera dans l'horreur qui l'encombre,
    Et sur tous les fumiers apparaîtra dans l'ombre
    Un Job resplendissant!

    O disparition de l'antique anathème!
    La profondeur disant à la hauteur: Je t'aime!
    O retour du banni!
    Quel éblouissement au fond des cieux sublimes!
    Quel surcroît de clarté que l'ombre des abîmes
    S'écriant: Sois béni!

    On verra le troupeau des hydres formidables
    Sortir, monter du fond des brumes insondables
    Et se transfigurer;
    Des étoiles éclore aux trous noirs de leurs crânes,
    Dieu juste! et, par degrés devenant diaphanes,
    Les monstres s'azurer!

    Ils viendront, sans pouvoir ni parler ni répondre,
    Éperdus! on verra des auréoles fondre
    Les cornes de leur front;
    Ils tiendront dans leur griffe, au milieu des cieux calmes,
    Des rayons frissonnants semblables à des palmes;
    Les gueules baiseront!

    Ils viendront! ils viendront, tremblants, brisés d'extase,
    Chacun d'eux débordant de sanglots comme un vase
    Mais pourtant sans effroi;
    On leur tendra les bras de la haute demeure,
    Et Jésus, se penchant sur Bélial qui pleure,
    Lui dira: C'est donc toi!

    Et vers Dieu par la main il conduira ce frère!
    Et, quand ils seront près des degrés de lumière
    Par nous seuls aperçus,
    Tous deux seront si beaux, que Dieu dont l'oeil flamboie
    Ne pourra distinguer, père ébloui de joie,
    Bélial de Jésus!

    Tout sera dit. Le mal expirera, les larmes
    Tariront; plus de fers, plus de deuils, plus d'alarmes;
    L'affreux gouffre inclément
    Cessera d'être sourd, et bégaiera: Qu'entends-je?
    Les douleurs finiront dans toute l'ombre: un ange
    Criera: Commencement!


    Victor Hugo, Ce que dit la bouche d'ombre (extrait)
    in Les Contemplations (1855)

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