mercredi, octobre 01, 2008

FESTINA

... derrière le rideau du grand théâtre du monde, Vivaldi s'agite, son bréviaire en main, récitant les 150 psaumes de David, faisant les cents pas. Dans chaque pas : 600 fois le même concerto, dans chaque concerto, 600 concertos possibles, quelques cantates, environs 43 opéras, plus ou moins 90 sonates, on ne sait combien d'oeuvres perdues, peut-être des pièces pour clavier, j'en passe, du pire, du meilleur, les greniers vont bientôt parler. Tout compte fait, une centaine de chef-d'oeuvres, qui dit mieux ? A part Bach, Mozart, personne ne fait le poids.

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Nunzio d'Annibale,

Che cos'è la poesia ?

Tu appelleras désormais poème une certaine passion de la marque singulière, la signature qui répète sa dispersion, chaque fois au-delà du logos, anhumaine, domestique à peine, ni réappropriable dans la famille du sujet : un animal converti, roulé en boule, tourné vers l'autre et vers soi, une chose en somme, et modeste, discrète, près de la terre, l'humilité que tu surnommes, te portant ainsi dans le nom au-delà du nom, un hérisson catachrétique, toutes flèches dehors, quand cet aveugle sans âge entend mais ne voit pas venir la mort.
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Le poème peut se rouler en boule mais c'est encore pour tourner ses signes aigus vers le dehors. Il peut certes réfléchir la langue ou dire la poésie mais il ne se rapporte jamais à lui-même, il ne se meut jamais de lui-même comme ces engins porteurs de mort. Son évènement interrompt toujours ou dévoie le savoir absolu, l'être auprès de soi dans l'autotélie. Ce "démon du coeur" jamais ne se rassemble, il s'égare plutôt (délire ou manie), il s'expose à la chance, il se laisserait plutôt déchiqueter par ce qui vient sur lui.
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extrait
Che cos' è la poesia ? Jacques Derrida, publié dans Poesia I, 11 novembre 1988.
Le texte ici