dimanche, septembre 07, 2008

Le privilège des Alcyons


Eloge de venise, de Luigi Grotto d'Hadria, prononcé pour la consécration du Doge Sérénissime de Venise Luigi Mocenigo, le 23 août 1570 : "Voici la ville qui, à tous, inspire la stupeur. Et j'ajouterai que toutes les vertus en Italie dispersées en fuyant la fureur des barbares ici se rassemblèrent, et, ayant reçu du ciel le privilège des Alcyons, firent, sur ces eaux, de cette cité, leur nid. Et je conclurai ainsi : qui ne la loue est indigne de sa langue, qui ne la contemple est indigne de la lumière, qui ne l'admire est indigne de l'esprit, qui ne l'honore est indigne de l'honneur. Qui ne la vue ne croit point ce qu'on lui en dit et qui la voit croit à peine ce qu'il voit. Qui entend sa gloire n'a de cesse de la voir, et qui la voit n'a de cesse de la revoir. Qui la voit une fois s'en énamoure pour la vie et ne la quitte jamais plus, ou s'il la quitte c'est pour bientôt la retrouver, et s'il ne la retrouve il se désole de ne point la revoir. De ce désir d'y retourner qui pèse sur tous ceux qui la quittèrent elle prit le nom de Venetia, comme pour dire à ceux qui la quittent, dans une douce prière : Veni etiam, reviens encore."
°
Source, Philippe Sollers, éloge de l'infini, Gallimard