jeudi, décembre 11, 2008

Rien sous le ciel n'est plus souple

et faible que l'eau.
Pourtant sa grandeur dépasse toute mesure
et sa profondeur est insondable ;
elle s'étend jusqu'à l'infini,
et se perd au loin dans l'illimité.
Qu'elle s'accroisse ou s'épuise, augmente ou diminue,
elle participe de ce qui est incommensurable.
S'élevant dans le ciel, elle devient pluie et rosée
et, retombant, elle humecte et arrose la terre.
Sans elle les dix mille êtres ne naîtraient pas
et les cent affaires ne seraient pas complétées.

Enveloppant largement la multitude des êtres,
elle est dépourvue de toute préférence.
Ses bienfaits s'étendent jusqu'aux insectes et aux vers,
mais elle n'attend aucune récompense.
Elle comble les cent noms de sa vertu sans être prodigue.
Tantôt son flot se gonfle sans limites,
tantôt elle est si ténue qu'elle devient insaisissable.
La roue -t-on de coups, elle ne porte aucune meurtrissure ;
la fouette-t-on, elle ne subit aucune blessure ;
la coupe-t-on, elle n'est pas sectionnée ;
la soumet-on au feu, elle ne se consume pas.

Douce et accommodante, elle coule en épousant les contours
et se ramifie en un réseau enchevêtré sans pour autant se disperser.
Sa finesse pénètre la pierre et le métal
et sa force porte le monde.
Elle se meut dans le territoire du sans-forme
et s'élève en spirale au-delà de l'indistinct.
Tantôt elle serpente dans les vallées,
tantôt elle déferle dans la plaine inculte des grands confins.
Selon sa surabondance ou son insuffisance,
elle emprunte et redonne au ciel et à la terre.

°

Huainan zi, du "Dao" originel, bibliothèque de la Pléiade

L.A. photographies ; l' éventail, Nov. 2008

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